La dépression est une maladie réelle, source de souffrance pour la personne qui la vit. Elle n’est pas inéluctable. Valérie nous raconte son parcours pour retrouver la sérénité. Pouvez-vous nous raconter comment votre dépression a démarré ?C’est un cumul d’événements qui ont fait que je n’arrivais plus à les gérer individuellement.Il y a eu :
La dépression est arrivée progressivement. Je ne me suis pas réveillée un beau jour en étant dépressive. Ça a été comme une succession de « jours sans » : sans joie, sans envie, sans motivation, jusqu’au moment où je me suis « effondrée » en larmes au travail. Je n’y arrivais plus ! Comment se manifestait la dépression ?Il y a eu plusieurs symptômes, notamment :
Quelle a été votre réaction ?J’en avais peu justement, ce sont les éléments extérieurs qui ont fait évoluer la situation. Un soir, je n’arrivais pas à dormir et m’étais levée pour passer les mains sous l’eau froide pour me « calmer ». Mon dos est resté « bloqué ». Connaissant mes conditions de travail de l’époque, mon médecin traitant m’a donné un arrêt de travail de quelques jours. À mon retour, j’ai dû faire face à l’animosité des dirigeants, liée à cet arrêt. Cela a amplifié mon mal être. Mon médecin traitant m’a fait d’autres arrêts de travail, qu’il me présentait comme des arrêts de complaisance signés davantage pour ennuyer mes employeurs que parce qu’il me croyait réellement malade. À ce stade, je lui ai demandé si une thérapie n’était pas nécessaireet s’il pouvait me conseiller quelqu'un. Je ne connaissais pas à ce moment-là les différences entre un psychiatre, un psychologue et un psychothérapeute. Il a reconnu qu’un arrêt maladie émanant d’un psychiatre était moins contestable et serait plus long, mais il ne connaissait personne et m’a conseillé de chercher dans l’annuaire. Quant à la thérapie, il estimait que mes problèmes de santé étaient liés à mon travail et que si je réglais mes problèmes au travail, mes problèmes de santé disparaitraient tout seuls. Qu'est-ce qui vous a amenée à consulter un médecin ?Mon cousin travaille dans un hôpital psychiatrique ; il m’a parlé d’un médecin qui pouvait comprendre mes problèmes et m’aider, sans me juger, sans me faire prendre de médicament, et juste en me faisant des arrêts maladie. Il a pris rendez-vous pour moi. À la fin de l’entretien, le médecin m’a fait un arrêt maladie et m’a conseillé une thérapie chez un de ces confrères plus près de chez moi. J’avais trouvé du réconfort auprès d’elle, je lui ai demandé de poursuivre la thérapie avec elle, elle a accepté. En quoi a consisté votre traitement ?Mon traitement comprenait un antidépresseur et un autre traitement pour lutter contre la nervosité et les troubles du sommeil. Comment votre entourage a-t-il réagi ?La grande majorité des simples relations ou prétendus amis a réagi comme si la dépression était contagieuse, le vide s’est fait. D’autres, lorsqu’ils me croisaient, ne savaient pas comment réagir (un peu comme les attitudes idiotes qu’on peut avoir devant une personne avec un handicap, paralysée ou aveugle...). Pour mon cousin qui m’avait orienté vers le médecin, l’analyse était simple : le médecin faisait les arrêts maladie, on prenait un verre entre amis ou en famille et c’était la fin de l’histoire...C’est un peu ce que pensait aussi le reste de ma famille : mon père (décédé quelques mois avant ma thérapie) pensait qu’il ne fallait aller voir le médecin que si on avait quelque chose de grave : il ne fallait pas le déranger pour rien... C’est représentatif de l’état d’esprit général. Ma mère aurait eu besoin d’être aidée pour faire face à son deuil, mais elle a refusé d’aller voir un psychiatre et m’a dit : « Si ça te fait du bien tant mieux, en tout cas ça ne te fera pas de mal, mais pour moi j’e n’y crois pas » !!! C'est aussi ce que pensait mon compagnon : il avait consulté une fois avec son ex-femme, et il me disait qu’aucun médecin ne l’avait aidé et que c’est seul qu’on trouve la solution à ses problèmes. Cela a-t-il été facile ?Non. Dans notre société, s’il n’y a pas de signes physiques on n’est pas malade. Même moi au fond, je n’y croyais pas vraiment. Dès que j’ai eu la force de trouver un autre emploi, j’ai arrêté prématurément ma thérapie. J'ai cru comme les autres que : "plus de problèmes au travail, plus de problèmes de santé." Durant cette thérapie je n’avais en fait réussi à aborder que les problèmes qui me touchaient le moins, même si je ne voulais pas l’admettre : les problèmes liés à mon travail.Le décès de mon père et les problèmes avec mon conjoint me touchaient beaucoup trop pour que j’ose les affronter. J’ai joué à l’autruche et j’ai mis beaucoup, beaucoup de temps pour arriver à pardonner à mon compagnon et faire le deuil de mon père. Aujourd’hui, parce que je l’ai vécu et que je l’ai analysé, je sais qu’une dépression est une maladie réelle. Pendant cette période, avez-vous pensé au suicide ?Pas de façon directe, non. Je n’ai pas pensé à un moyen de mettre fin à mes jours. En revanche, j’ai souvent prié pour que « ça » s’arrête, sans jamais pouvoir définir le « ça » ni comment l’arrêter. Comment allez-vous aujourd'hui ?Comme tout le monde, j’ai des hauts et des bas.Ce n’est pas parce qu’on est sorti d’une dépression qu’on va mieux que n’importe qui. Dans les « bas », il y a toujours les doutes, les peurs, mais j’arrive plus ou moins à les maîtriser. Je prends toujours des médicaments. J’ai aussi arrêté de fumer. Je ne peux pas juger d'une longue période sans antidépresseurs et j’appréhende de devoir les arrêter. J'ai peur aussi quelquefois d'une rechute. Quand je réalise à quel point le stress au travail peut m'atteindre (il a déclenché une seconde dépression), je ne sais pas comment je réagirais face à un événement plus dur comme par exemple le décès de mon conjoint. Mais il y a aussi les « hauts », que j’ai retrouvés après la dépression et que j’ai d'autant plus appréciés. Ma maladie a aussi été l’occasion de faire le "tri" dans mes relations : seuls les vrais amis sont restés. Ils sont peu nombreux mais bien plus importants que tous ceux qui gravitaient autour de moi de manière artificielle. J'ai également appris à me battre pour mon bonheur conjugal. Et je me connais mieux : la deuxième fois où j'ai été affectée par des problèmes au travail, je n’ai pas attendu d’être au bord du gouffre pour demander de l’aide à la médecine. Qu'est-ce que vous aimeriez dire aux personnes qui comme vous autrefois souffrent aujourd'hui ?Avant ma première dépression, je pensais que j’étais protégée, que « ça ne me tomberait jamais dessus ». Je n’étais pas "ce genre de personne" !!!! Même si votre médecin traitant ne vous oriente pas (peut-être par méconnaissance) vers un psychiatre, consultez-en un. La dépression est comme une grippe, sauf que ça ne se soigne pas tout seul.Les médicaments aident à passer le cap mais le vrai remède, c’est la thérapie. On n’en voit peut-être pas les effets tout de suite, comme quand on passe de la pommade sur un bleu, mais ça ne veut pas dire qu’elle ne sert à rien. J’ai mis probablement autant de temps pour me rendre compteque j’allais bien qu’à me rendre compte que j’allais mal. On ne s’écoute pas beaucoup...C’est paradoxalement quand on va mieux qu’on se rend compte à quel point ça n’allait pas.J’ai compris que j’étais sur la bonne voie, un soir où je suis restée en extase devant un coucher de soleil. C’était merveilleux. Pas que le soleil se couche (la terre avait continué de tourner) mais que je puisse m’en émouvoir à nouveau après tant de temps.... De toute façon, comme disait ma maman « si ça ne fait pas de bien, au moins ça ne fait pas de mal ». Alors à part guérir, qu’est-ce-que vous risquez à essayer ? « Les personnes dépressives consultent encore souvent tardivement. Elles peuvent rester enfermées dans leur souffrance morale pendant des semaines, des mois, parfois des années. Cette situation peut être très difficile à vivre et avoir des répercussions dans tous les secteurs de leur vie. Mais guérir d'une dépression peut amener certaines personnes à se sentir plus fortes par la suite : elles apprennent à mieux se connaître, réflechissent sur elles-mêmes, sur leurs espérances et leur vie en général. Cela peut les inciter à faire des changements qui leur permettent d’être plus heureuses au quotidien, au-delà de la maladie.» Docteur Martine Fouchet, psychiatre médecin chef, centre Hospitalier Sainte Marie, Nice La section commentaire est fermée.
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Mai 2017
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